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© Lucie Pastureau

Caroline Sonrier, portrait d’une femme passionnée et investie

Elle a reçu le prix de la Femme d’Influence dans la catégorie Culture en 2018 et s’est vue confier une mission ministérielle sur la politique de l’art lyrique en France en 2020. Caroline Sonrier, dirigeante de l’Opéra de Lille est une femme inspirante du milieu de l’art et de la culture, que nous avons souhaité mettre en lumière. Interview.

Votre départ de l’Opéra de Lille est prévu en juin 2025. Que retenez-vous de ces 24 années à la direction d’une des plus prestigieuses institutions de la région ?

Grand Foyer Opéra de Lille
© Thomas Chéné

À mon arrivée en 2001, l’Opéra était fermé depuis 3 ans. Il n’y avait plus d’équipe, de structure juridique et de budget, et j’ai fait face à une page blanche devant laquelle il fallait tout réinventer. C’était passionnant, alors je me suis laissé porter chaque année et pendant plus de 20 ans par cette envie de renouveler et d’inventer. Ce fut une expérience absolument unique et magnifique, caractérisée par des échanges joyeux et passionnés avec les artistes, et par la rencontre avec un public qui – comme moi finalement – redécouvrait cet Opéra.

Dans l’ensemble de votre carrière, quelles productions vous ont le plus marqué et pourquoi ?

Les productions qui m’ont le plus marqué sont certainement celles de la première année d’ouverture, en 2004. Au mois de janvier, nous avons notamment produit Don Giovanni (Wolfgang Amadeus Mozart, ndlr) – qui venait de Bruxelles et plus spécifiquement d’une grande maison européenne. La production était magnifique et représentait pour nous un véritable enjeu. Et puis, juste après, Butterfly de Puccini, notre première production maison après la réouverture. Pour moi, ce premier Butterfly restera un souvenir inoubliable, c’est certain.

Quelle aura été votre mission principale tout au long de ces années ?

Ma mission principale et celle de l’équipe avec qui je travaille a été de redonner à cet Opéra un très haut niveau de qualité et de l’ouvrir à un public large et diversifié. C’est un objectif qui ne s’arrête jamais. Tous les matins, on pense à cette

double question et l’on réfléchit à comment accueillir un public qui n’est jamais entré à l’Opéra et peut se sentir intimidé, tout en lui proposant de nouveaux titres à découvrir dont des créations de chorégraphes qu’il ne connaît pas déjà.

Vous avez mis en valeur au cours de ces années de femmes de talent, notamment Emmanuelle Haïm, cheffe d’orchestre. Qu’appréciez-vous particulièrement chez elle ?

Quand je lui ai proposé de venir, elle venait de créer son orchestre et on se connaissait, car elle avait participé à un projet en tant que claveciniste assistante du directeur musical. J’ai trouvé que c’était quelqu’un qui avait un rapport aux chanteurs formidable, ainsi qu’un style, un point de vue et une connaissance profonde de son répertoire. Et à la fois, ça n’a jamais

été pour moi un objectif d’avoir forcément des femmes. Ça s’est fait car je trouvais que c’était une artiste magnifique, tout comme les autres artistes femmes que j’ai pu inviter ici. Il n’y a que pour les compositrices où vraiment je me suis dit qu’il fallait que je confie un projet à une femme, car elles sont très peu visibles et très peu jouées dans notre domaine.

Aujourd’hui, peu de maisons d’Opéras comptent une dirigeante femme. Pensez-vous qu’il est difficile pour une femme de faire ses preuves dans ce milieu ?

Intérieur de l'Opéra de Lille
© Thomas Chéné

C’est effectivement une vraie question, vu l’absence de nominations de femmes à la direction d’Opéra ces 5 dernières années. Je crois que c’est aussi aux directeurs en place de réfléchir à comment préparer les jeunes femmes à devenir de futures directrices d’Opéra. Moi-même j’ai pu constater en

tant que directrice d’Opéra, que souvent on pouvait être catégorisée à travers une figure maternelle dans des propositions et des présentations autour du jeune public. On ne m’a jamais demandé d’intervenir par exemple pour la création, qui a pourtant été beaucoup développée ici par rapport à d’autres maisons.

Mais je crois que ce sont aussi les directeurs et les directrices d’Opéra d’aujourd’hui qui doivent aller chercher les femmes et les encourager à prendre ce chemin- là. Je suis d’ailleurs très heureuse que la nouvelle directrice nommée à l’Opéra de Lille à partir de juillet 2025 soit une femme.

Barbara Eckle poursuivra ainsi la féminité à la tête de l’Opéra de Lille. Comment imaginez-vous les prochaines années sous sa direction ?

Il y a encore beaucoup de choses que je n’ai pas faites et donc, c’est très bien qu’une nouvelle personne propose un autre regard et d’autres types de propositions. Ce que je peux dire en ayant vu son projet et échangé avec elle, c’est qu’elle continuera à mettre en valeur la création et l’audace dans des choix artistiques qui sauront surprendre le public. Elle proposera aussi des choses à l’extérieur, avec un public large et une certaine façon de présenter la musique, l’opéra et le théâtre dans un contexte joyeux et convivial.

Que voudriez-vous voir changer pour les femmes en France et dans le monde ?

Je crois qu’un travail de formation peut être nécessaire pour permettre aux femmes de gagner en autonomie. De ce point de vue, je pense que les écoles et les universités ont quand même beaucoup évolué. Mais on constate encore une différence entre la proportion de femmes dans certaines grandes écoles de commerce ou d’écoles qui devraient normalement amener à des responsabilités importantes, et la présence effective de ces femmes dans ces postes. Cela veut dire qu’il y a toujours un travail à faire concernant l’envie de prendre ces responsabilités-là, et d’admettre également qu’une vie de famille se gère à deux, et que tout ne doit donc pas reposer uniquement sur les femmes. Donc oui, la société a évolué, mais il y a encore du travail.

Et pour vous plongez encore un peu plus dans le monde de l’opéra, découvrez les métiers de l’Opéra de Lille.

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