Elle a trouvé dans le verre le pouvoir d’émerveiller, le bonheur de créer et le plaisir de transmettre. L’artiste verrier Julie Decriem expose en ce moment au MusVerre de Sars-Poteries. Mais c’est à Isbergues, près d’Aire-sur-la-Lys, qu’elle nous a ouvert les portes de son atelier, Mailloche & Co.
Transmettre la flamme
Dans le petit atelier, le chalumeau crache une flamme vive, intense, dont les yeux doivent se prémunir avec des lunettes spécifiques. Concentrée, Julie Decriem guide les participants venus réaliser des perles de verre. « Il faut que la chaleur pénètre la matière. Toute la difficulté tient dans la gestion de la température, qu’il s’agisse de verre au chalumeau ou de soufflage. Le verre « bouge » à 600 degrés il est en fusion à 1200 degrés. C’est un métier à la fois technique, physique et artistique qui requiert des techniques subtiles », explique-t-elle. Un savoir-faire spectaculaire qui donne autant de plaisir à le regarder qu’à apprécier l’objet fini.
Un matière qui danse
« Le verre protège les maisons, il nous permet de mieux voir, on en trouve au nez des fusées et il nous amène Internet : c’est une matière indispensable à la vie ! », continue Julie Decriem. La révélation, elle l’a toute petite lors de la visite d’un atelier dans le Sud. « Le soufflage du verre est comme une danse, cela m’a fascinée », raconte-elle. Et puis chez elle, on a toujours bricolé. « Mes grands-mères m’ont transmis l’amour de la couture et la devise de mon grand-père était “c’est moi qui l’ai fait ! ». Après des études aux Beaux-Arts de Tourcoing, elle est sélectionnée par le prestigieux Centre Européen de Recherches et de Formation aux Arts Verriers (CERFAV) en Lorraine et devient Compagnon Verrier Européen.
Un savoir-faire ancestral
« Durant deux ans, je me suis formée à toutes les techniques du verre, en Espagne, en Italie, en Suède. C’est à Murano que j’ai appris la technique de la murrine », poursuit Julie. Ce savoir-faire ancestral consiste à fabriquer un petit disque à motif concentrique réalisé par la superposition de baguettes de verre multicolores. Une fois terminée, la baguette de verre est découpée en rondelles ou en disques très fins que l’on appelle des murrines. L’œil en murrine « qui incarne la transmission » est devenu l’un des symboles de son savoir-faire.
Dans la vallée du verre
En 2008 naît Mailloche & Co, son atelier à Isbergues. « Aujourd’hui en France, hormis sur des sites comme Baccarat, il y a peu d’opportunités pour s’exprimer dans la création verrière. La plupart des verriers créent leur petite structure », explique-t-elle. Julie travaille quelques années à la R&D de la verrerie ARC International. « Je faisais des prototypes, des échantillonnages, c’était génial. » Avec le site industriel, elle a gardé un lien. Chaque année en décembre, elle souffle des boules de Noël dans le cadre de son association Terre de Verre. « Arc Tooling réalise les moules, la cartonnerie de Gondardennes à Wardrecques fournit les emballages. Tous les bénéfices sont reversés à l’Unicef, cela représente 3 500 € cette année ». Elle aimerait tisser des liens encore plus forts entre l’artisanat et l’industrie, persuadée de l’intérêt du fait-main et de l’attractivité d’une Cité du Verre, reflet d’une histoire industrielle majeure à Arques et dans la région audomaroise.
Plusieurs cordes à son arc
Aujourd’hui, Julie partage son temps entre l’enseignement à l’École d’Art d’Aire-sur-la-Lys, les ateliers pour les particuliers et la création pure. Avec une autre artiste, Céline Darras, elle a créé un duo, Système D et elle expose régulièrement des œuvres mêlant les techniques, art du verre, textile, etc. Toujours à la recherche de formes, d’effets, elle continue à apprendre pour toujours mieux transmettre.
Exposition « Sur le fil »
Julie Decriem participe à l’exposition « Sur le fil », présentée jusqu’au 20 août au MusVerre à Sars-Poteries. Une vingtaine d’artistes y explorent de manière très poétique les liens entre le textile et le verre. Julie présente une œuvre majeure de son parcours. Mêlant verre soufflé, murrines, broderies, fil, laine, ses « Cloches », présentées de la plus petite à la plus grande à la façon de poupées russes symbolisent l’héritage, la famille et la filiation, et font office d’écrins de protection pour les savoir-faire transmis par les grands-mères de l’artiste, la couture et la broderie notamment.