Diplômé de l’ESA de Saint-Luc à Tournai, Thomas Van Hecke est un jeune graphiste lillois. Pour lui, l’art se résume à une forme d’expression où l’artiste pose son langage, un brin critique sur notre époque actuelle.
L'univers de l'artiste Thomas Van Hecke
De loin, une silhouette sombre se distingue. À mesure que l’on s’approche, on aperçoit une jeune femme, au visage vide, dépourvu de regard. Seules les lignes et les courbes la composent. Ici, pas d’expression, pas de reflet, comme si le sujet était inerte, à la manière d’un logo où se mélange harmonieusement ce monochrome de bleu et de noir. Des couleurs judicieusement choisies pour souligner « le blues mélancolique que l’on retrouve dans la musique ».
Cette femme, à en juger ses formes, est-elle réellement vivante ? Pour Thomas Van Hecke, elle est la représentation même de ce que l’on voit sur les réseaux sociaux. « À une époque où le pic de l’individualisme a atteint son comble, tout manque de modestie. C’est le règne de l’égocentrisme où seule l’image compte », explique-t-il. Un peu comme si cette femme posait pour une publicité. « Je me suis rendu compte en scrollant rapidement sur nos applications comme Instagram depuis nos smartphones, ce que l’on retient, ce sont juste les courbes mais pas les expressions du faciès. Alors j’ai voulu imaginer une sorte de réduction des formes. »
À travers sa série d’égoportraits, l’artiste dénonce l’utilisation abusive des selfies de cette nouvelle génération. « Comme si le fait de poster une photo de soi était synonyme d’existence. Si les jeunes ne le font pas, c’est qu’ils n’existent pas. » Si l’œuvre est porteuse de sens, elle n’est pas moins technique. Un vrai travail de rigueur et de perfection s’en dégage, mêlant les influences du Bauhaus à celles de Wesselmann, en passant par Malevitch, jusqu’à Kandinsky…
Minutieux, Thomas Van Hecke emprunte la technique de la ligne claire pour affiner un style résolument graphique.
La création comme chemin d'introspection
Ancien designer d’objet, Thomas Van Hecke s’illustre désormais en graphiste indépendant. « Ce n’était pas du tout mon truc. Le design d’objet, ce sont des marqueurs sociaux. J’ai compris que ma place était plutôt dans l’œuvre artistique elle-même. » Chaque matin, il se lève à 7h30 pour peindre. « Continuer de faire ce que j’aime, c’est tout ce qui m’intéresse. »
L’art comme pur produit spéculatif ? Très peu pour lui. « Je ne crée pas pour vendre. Si on m’achète une toile, ce n’est pas pour m’offrir un SUV, mais plutôt pour financer dix autres toiles sur lesquelles je vais m’éclater à dessiner. » Si bien que l’artiste est toujours surpris, voire gêné, lorsque quelqu’un jette son dévolu sur l’une de ses peintures. Et lorsqu’il confronte son regard à celui du public, c’est la même chose. À quelques exceptions. « Faire Solid’Art, c’est contribuer à une belle cause. Sur les 80 euros d’un tableau, la moitié de la somme est reversée pour qu’un petit humain puisse partir en vacances », sourit-il. Pour ce passionné, l’art devrait être accessible et gratuit à tous. « Certains disent qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter une œuvre d’art, certes, mais admirer, regarder, comprendre, ça n’a pas de prix, comme lorsqu’on entre dans une église ou une mosquée. »